En mémoire de Billy

Cela faisait très longtemps que je voulais adopter un chartreux. J'ai pris cette décision avec beaucoup de sérieux, je ne voulais pas décevoir mon futur petit compagnon et je voulais qu'il ait une belle vie. Au bout de plusieurs mois, j'ai trouvé un bon élevage et j'ai sauté le pas. Avec le confinement, je n'ai pu le rencontrer qu'à ses 3 mois, jour de son adoption. Il n'y avait que son frère et lui dans la portée, et j'ai eu le choix. Mais au final, c'est lui qui m'a choisi en s'approchant de moi avec de grands yeux curieux. Je ne savais pas comment l'appeler, je lui ai trouvé un nom en R pour les papiers... mais arrivé à la maison, j'ai su que ce serait Billy. Billy était un chaton plein de vie, pas timide du tout, joueur, gourmand, avec une démarche amusante et une bouille d'ange. Un vrai pot de colle et un animal très intelligent. Le plus beau des chartreux, c'était lui. Il me fatiguait parfois, avec son trop plein d'énergie, mais savait toujours m'apaiser avec ses ronronnements insistants et son regard espiègle. Il excellait dans l'art de charmer son monde, c'est le moins qu'on puisse dire. J'avais juré qu'il ne sortirait pas dans le jardin, de peur que la route en contrebas ne cause sa perte. Mais à force de le voir scruter l'exterieur par la baie vitrée, appuyé contre le verre, les oreilles droites et le cou étiré... j'ai cédé. Il a découvert son jardin avec une légère appréhension au départ, mais rapidement il prit plaisir à chasser et à explorer ses moindres recoins. Il semblait si heureux... Je me voyais passer 15 ou 20 ans avec ce petit amour. Mais le premier jour de l'automne arriva, et il refusa de manger ses croquettes pendant toute une journée. Je tentais de lui donner sa pâtée favorite, mais elle n'eût pas plus de succès. Le lendemain matin, alors que je partais travailler, il tomba très malade. Il avait l'air prostré, en souffrance. On l'emmena chez le vétérinaire, qui crut au début à une gastro. Vers 10h du matin, le verdict tomba. Billy avait attrapé le typhus, malgré sa vaccination. Durant 5 jours, ce petit lion se battit sans relâche. Je lui rendis visite plusieurs fois pour lui donner du courage. Malgré mon inquiétude, je gardais de l'espoir. Ces chatreux sont coriaces... Le matin du sixième jour, alors que l'assistante me conduisait à sa cage pour que je puisse le voir, je sentis que quelque-chose n'allait pas. Il ne bougeait plus et sa cage etait maculée de sang, de vomissures et de selles sechées. Il venait de mourir dans l'indifférence générale, sans que le personnel ne s'en rende compte. Passé le choc de l'avoir trouvé comme ça, et reçu des excuses de la part de la clinique, nous avons emmené notre petit Billy dans la forêt et nous l'y avons enterré. Il repose désormais dans cette nature qui l'attirait tant, au pied d'un arbre centenaire. Ce n'est pas ma maison qui semble désormais vide, mais ma vie toute entière. Il m'a fallu un instant pour savoir qu'il serait mon protégé, mais il me faudra longtemps pour accepter son décès et retrouver le sourire.

JP