En mémoire de Minus

À 19 ans. Une insuffisance rénale et cardiaque, un AVC, et aucunes séquelles. Le toutou le plus résistant de la Terre. Retrouvé décédé en rentrant, étouffé dans un sachet de céréales.... Tu sais, je ne l'ai pas vu venir. Du moins pas comme ça. La première fois que tu es venu au Crotoy, un mois après ton adoption, tu as sauté par la fenêtre entre baillé de la maison pour parcourir la ville. Quelle surprise de te croiser, la truffe collée à l'anus de chienne ta voisine. Tu étais si frais, si pétillant. 10 années durant je te regardais dormir, et pleurais régulièrement à l'idée de te perdre. Je me souviens et ressens maintenant. Un souvenir occulté. Tu étais ma famille, et moi je savais être tantôt l'oncle bourré agressif, tantôt la douce tante qui n'avait d'yeux que pour toi, et -je l'espère- le plus souvent : moi. Moi qui t'adorais, moi qui ne trouvais les voyages agréables qu'en ta compagnie, moi qui remerciais je ne sais qui de t'avoir mis sur ma route. Il n'y a pas eu que du joli, et pour tout cela, j'aimerais que tu l'entendes de où tu es -des étoiles peut-être, de la cime des arbres, du petit sous les pelouses, ou que tu sois- : pardonne je t'en prie mes erreurs d'être humain. C'est à taton que je te découvrais, ce à grand pas tu as su révéler ce qui se tenait dans mon cœur. Les animaux ne connaissent pas la rancœur. Les êtres humains sont des animaux, alors désolée de t'avoir insulté, remplace donc les animaux par : les êtres manquants de cruauté -toi, ainsi que tes congénères. Je pourrais citer moult aventures ensemble, ou même nos moments de rien. Mais je devrais m'y atteler le reste de ma vie. J'espère juste que tu es heureux où tu es. Tu sais, l'humain se rassure en imaginant des endroits emplis de couleurs et de bonheur pour les petits quadrupedes comme toi. Et même si cet endroit n'existe pas, alors si tu m'entends, faufile toi dans ma tête, et trouve le coin de paradis que je t'ai inventé. Il est impossible que tu n'entendes pas mes mots, mes pleurs et ma colère. Parce que dès lors que tu es entré dans ma vie, tu ne cesseras d'exister. Ton pelage blanc et noir. Ta petite tache sur le museau. Ta patte boiteuse. Ta langue pendante dans ton jeune âge. Tu sais, nous les humains, nous naissons et n'avons qu'un bref aperçu de la vieillesse, ou de la jeunesse. Nous sommes toujours cet entre deux. Incapables d'avoir une vision globale de notre espèce. D'aucun diront que cette omniscience nous consumerait. Et pourtant, je n'en suis pas encore morte. Bien que vide, et 1000 fois plus attristée de ton départ que la veuve d'un soldat, la peine et la douleur se mélangent doucement à la joie et au bonheur que j'ai partagé avec toi. De la douceur de ta jeunesse aux difficultés de ta vieillesse. Finalement, même si je me plais à dire que tu étais Mon chien, c'est juste une façon d'adoucir les maux. Il est plus aisé d'inverser les rôles. Je ne te possédais pas, par contre toi tu as su arracher une partie de mon cœur sans t'en rendre compte. Ça n'a ni queue ni tête. Pourtant je regrette que ça n'ait plus de queue, ni plus de tête. Je te susurrerais mes bonheurs et mes peines, comme si tu étais encore là. Et je t'imaginerais à mes côtés, remuant de tout ton corps, pour te jeter dans une bouse de vache. Je t'aime.

Célia