En mémoire de Shanti

À une colique près il y a quinze ans! C’est l’histoire d’un petit chien. - J’étais dans ma voiture - j’attendais ma conjointe et mon fils Rafael parti chercher de la nourriture à lapin dans une animalerie. C’était au printemps 2003. Dans mon rétroviseur, j’ai vu Rafael ( 7 ans) qui jagitait les bras et je suis sorti de la voiture pour savoir ce qu’il voulait. “- Papa, papa, criait-il, viens! maman et moi on voudrait te montrer quelque chose...” J’ai demandé à mon fils de quoi il s’agissait et il m’a dit qu’ils voulaient me faire voir un chien. De prime abord, Je n’étais pas enthousiaste à l’idée. En fait, je ne voulais pas avoir à m’occuper d’un animal. Je suis entré dans le magasin et Julie tenait un petit chien dans ses mains. Il était un des 7 où 8 chiots d’une fraterie confinée dans un enclos vitré de l’animalerie. C’était une petite femelle bien rondouillarde avec du pelage sombre sur le dos, du blanc au thorax et des taches beiges à divers endroits: une vraie tranche napolitaine! Bien que mignon, je n’avais pas du tout envie d’adopter un chien, persuadé que j’aurais la tâche du bien-être de l’animal. “Pas question! Je sais que c’est moi qui devrai en prendre soin.” Je m’occupais , déjà, de nettoyer la cage d’un lapin, je n’avais pas envie de ramasser, en plus, les crottes d’un chien... Mais, vous savez comment c’est; L’enfant et la maman vous rassurent, ils s’occuperont du chien, c’est même promis! Et de me passer la bête dans mes mains, histoire de me faire tâter cette petite vie palpitante pour comprendre qu’elle a besoin d’un foyer aimant. On craque, c’est sûr! Sauf que... La petite souffrait de diarrhée... On est sur pose dans la famille. Pas question d’adopter un chien malade, donc on dit « oui » à l’achat à condition que le chien soit en santé. On se donne 2 jours pour voir et ,finalement, le chien évacue du solide... la voila officiellement dans la famille. Après discussions, elle portera le nom de Shanti. Shanti a l’école Shanti a suivi deux cours de comportement canin. Son premier, elle l’a suivi vers l’âge de 18 mois. À l’issue de cette session, viennent les examens. Je tenais à ce que ce soit mon fils, Rafaël qui accompagne la chienne dans ses épreuves. Après tout, c’est son chien! Lors d’un test, le prof exige que les chiens restent couchés pendant trois minutes. Top, chrono... Sous l’ordre de son petit maître, mademoiselle s’accroupi, sous l’œil attentif du dresseur. Une dizaine de chiens s’affalent au sol. Pendant que le dresseur surveille son chronomètre, le cou de Shanti s’étire vers un point inconnu de la salle, son nez frétille, manifestement quelque chose au milieu de la salle titille son odorat. Et voilà qu’elle se mets à ramper. Poussée par ses pattes antérieures, elle s’avance pour aller renifler ce micron d’odeur suspect. Et la voilà qui serpente, presque jusque au pied du moniteur, motivée par un irrésistible besoin de savoir... On entend rire dans la salle. Cette tête de mule, défie non seulement les règles mais en plus nous ridiculise. Je dis à mon fils: « Mais qu’est qu’elle fout? On lui a pourtant appris... » Et, Rafaël , de vociférer en sourdine: « Shanti, couché, reste, obéi, ... » et autres consignes sans aucun effet sur la bête! Après l’exercice je vais vers le prof de dressage en préparant des excuses sur l’attitude de notre Shanti. Et le voilà qui me répond: « Votre chien a réussi le test puisqu’il ne s’est pas levé pendant les trois minutes.... » Au final, cette têtue a récolté la seconde médaille de.son groupe. La pizza balayée par des essuie-glaces Au moment de cette anecdote, Shanti était jeune, mais avait, néanmoins, sa taille adulte. Dans la cuisine, nous avions un îlot dont la hauteur faisait un mètre dix (environ 43po). Ma conjointe est au travail, mon fils à l’école. Au milieu de l’après-midi, je prépare deux grandes pizzas pour le souper, enfin, une pour le souper et l’autre pour congeler. Tomates, olives, fromage, poivrons, cœurs d’artichauts... la totale pour mes amours. Ma montre m’indique qu’il est l’heure d’aller chercher mon fils à l’école. Je ne m’inquiète pas pour les deux pizzas, l’îlot est trop haut pour le chien! Au retour, je vois mes deux pizzas raclées par des essuie-glaces.... Incapable de les saisir, Shanti avait réussi à passer sa langue interminable, en demi cercle, sur les deux disques savoureux! À la limite de sa gourmandise, elle avait dégarni un tiers des pizzas.... Canards illimités Je ne vous l’ai pas encore dit, mais Shanti est un trio avec du huskies, du berger australien ET du beagle, laquelle race est supposée rapporter le petit gibier au maître chasseur, genre le lièvre , l’oie et le canard. Si je vous dis cela, c’ est que l’épisode suivant fait référence à la portion beagle de sa nature. Je sors du magasin Sears deux oreillers en plumes de canard sous le bras. Je les ai achetés au prix fort pour leur moelleux incomparable. Comme j’ai quelques courses à faire dans une grande surface d’alimentation qui se trouve en face, je laisse mon paquet sur le siège du passager. .... Après mon épicerie, je retourne vers ma voiture. En approchant du véhicule, par la lucarne arrière, je ne vois que du blanc dans l’habitacle. Non, non, merde, c’est pas possible... J’ouvre la porte arrière et, avec l’appel d’air, un nuage de plumes surgit du véhicule. Je ne vois plus qu’un chien constellé de plumes blanches qui agite la queue, un air de triomphe dans les yeux: “Regarde! Ton gibier, je te l’ai rapporté!!! » Misère... Je regarde ce chien tout fier de son exploit et cette plume immaculée sur son pif noir et j’éclate de rire! Monsieur chien n’ a qu’à bien se tenir À l’âge de dix ans, Shanti a subi une chirurgie qui consiste en l’ablation de l’utérus ( pyomètre). Suite à cela, elle ne sera plus la même avec les autres chiens. Particulièrement, avec les mâles entreprenants. Que l’un d’eux renifle son postérieur, c’était toléré, mais si. par hasard, un prétendant s’avisait de poser une patte sur son dos pour passer à l’acte, la réaction était aussi vive que violente! Je sais, ce n’est pas très glorieux à rapporter, mais c’était comme ça... Or, donc, un gros mâle pâtit de cette dérive d’humeur; alors que j’étais à Lavaltrie chez une copine, le chien d’un voisin a posé la patte sur la croupe interdite et fut gratifié d’une morsure à l’oreille, laquelle avait atteint une veine importante. Le maître du mâle audacieux a dû l’emmener d’urgence dans un hôpital vétérinaire. Il m’a réclamé plus de 400$. Et mes assurances de me demander si ma chienne avait suivi des cours de comportement canin. “Oui. 101 et 102 avec médaille d’argent à sa deuxième formation.” Preuve à l’appui, ils ont payé. Crocodile Au Lac Shanti. Oui, parce que à Sainte-Marthe-du-Cap il y a un lac magnifique mais éphémère qui porte ton nom. Dans un petit coin du lac, il y a de la végétation qui pousse dans l’eau, un genre de mangrove où il est facile de se réfugier. Et c’est dans ce feuillage touffu que j’avance furtivement pour te voler ta balle. Toi, mon chien, tu es aux aguets, le corps à moitié immergé, cherchant de la truffe et de l’ouïe, d’où va venir l’attaque... Les flics J’envoie Shanti faire ses besoins dans la cour.. Bon d’accord, elle a son collier mais pas sa médaille... J’attends son retour. mais mademoiselle ne reviens pas... Et donc, j’allonge le cou par dessus le balcon et voilà que j’aperçois des girophares... Le déclic se fait aussitôt; je chausse mes bottes et je cours vers le véhicule de police en agitant les bras: “Houhou... j’arrive , c’est mon chien! » Mais Shanti n’est plus là, elle est déjà dans le véhicule de police. Deux policiers m’attendent. L’un sourit et me demande si c’est bien mon chien. J’affirme que oui et lui dit que son numéro de SPA est inscrit au revers de son collier parce qu’elle a perdu sa médaille. Il ne vérifie même pas et ouvre la porte de la voiture. Shanti ne fait qu’un bon pour me rejoindre. Et tandis qu’elle me lèche aux retrouvailles, pour rigoler, je dis au constable: « lui avez-lu ses droits, au moins, avant de l’embarquer? » Il rit et me souhaite bonne soirée, tandis que son comparse me regarde avec une mine patibulaire. Décidément, l’humour est un ingrédient bien disparate. Les opérations Par deux fois tu as subi des opérations majeures, mon amour, la première pour une inflammation de l’utérus et la seconde pour une infection aux dents. La première était la plus grave. Après le diagnostique, la Dr Bissonnette a décidé de te garder le jour même pour t’opérer le lendemain matin. Il y avait urgence. J’ai été secoué, je tremblais en sortant de la salle d’auscultation. J’avais peur pour ta vie, mais dès le lendemain les nouvelles étaient bonnes. La vétérinaire avait enlevé ton utérus et tu reprenais du mieux. J’ai mille fois remercié le ciel... Et puis, je suis venu te chercher à la clinique et là... cette bouffée de bonheur en te retrouvant, cette allégresse, savoir que notre quotidien revenait avec ses jeux, ces activités un peu folles et des lèches et bisous à qu’en veux-tu... La gambade ne s’est pas fait attendre, 48 heures après être passée sur le billard tu avais retrouvé toute ton énergie. Tu rayonnais, ma belle puce et ,moi , j’étais au comble de la félicité. Mille merci Dr Bissonnette! Vétérinaire et poignée de porte Nous sommes allés assez souvent chez le vétérinaire. Souvent pour des problèmes bénins mais deux fois, pour des choses plus sérieuses au point où tu as du rester pour des opérations urgentes. Dans la salle d’auscultation, il y a deux portes; l’une mène vers le corridor de sortie, l’autre vers le bloc opératoire. Tu avais compris qu’il y avait une porte “maudite “ et une porte “bonheur” . Depuis ta première opération, après chaque examen dans cette salle, tu allais te planter, assise, devant la porte de sortie en fixant imperturbablement la poignée. Le message était on ne peu plus clair: pas question que je prenne le chemin de la porte « maudite » Je ne sais pas combien de kilomètres à pied nous avons parcouru ensembles, petite Shanti, ni de brasses comptées dans les eaux froides des lacs et des rivières, ni même du nombre de villes où nous sommes passés.... Je ne sais pas, mais c’est beaucoup et, en même-temps si peu, maintenant que je vois ta belle âme s’évader de ton corps faible et fragile. En âge humain, te voilà maintenant à 105 ans; quel belle et longue vie. Mars 2018- Tu as encore bon appétit, petit amour. Mais, ton souffle est rauque. En février, ta vétérinaire a diagnostiqué une paralysie laryngée. À l’effort, tu as besoin de plus en plus de haltes, alors je réduis les promenades, j’évite de te laisser courir. 4 avril j’ai pris rendez-vous dans une clinique vétérinaire pour ton grand départ. Te dire, petite Shanti, la déchirure qui a fissuré mon âme,et cette morsure qui me prend au ventre, au cœur, partout où ton petit être a résonné en moi. Est-ce que j’ai le droit de ravir une vie? Est-ce que c’est le moment? J’ai peur, bien sûr, la confusion des sentiments me chamboule. En fait, je pleure souvent depuis plusieurs jours, sachant que le temps est venu. Jusqu’à ce jour où nous sommes allés voir ta vétérinaire au début de l’année 2018, je n’avais jamais vu en toi un “vieux chien”. Je me disais, elle peine mais elle reste alerte. La vétérinaire Bissonnette, au jour de ton évaluation, avait annoncé le diagnostique: “ paralysie laryngée côtè gauche.” Je n’avais pas compris! Tout ce que j’avais entendu est qu’à ton âge, mon chien joli, on opère plus! Je suis sorti de la salle d’auscultation en me disant que nous avions encore des beaux mois devant nous, mais les semaines suivantes, j’ai réalisé à quel point ton souffle était de plus en plus pénible. J’ai raccourci les promenades, pris les précautions nécessaires pour que la chaleur n’altère ta respiration et tenté de réduire l’inflammation de tes voies respiratoires par des médicaments. Je sais, il y a des vies de chiens en sursis. Comme celui en bas de chez moi. Un minuscule poilu, obèse, qui aboie tout le temps, mais ne bouge presque pas. Je le plains. Il est au bout d’une corde et ne voit que sa petite cour trois heures par jour. Tes promenades, c’est sacré! Courir, trotter, marcher, nager, peu importe, pour toi,c’est viscéral. Tu l’exiges par tes mimiques, ton comportement et j’y répond pour que ta nature d’animal actif puisse s’exprimer. Quand j’ai compris que tout cela ne donnait rien, j’ai dû me rendre à l’évidence; je devais t’accompagner vers cet ailleurs que je redoutais depuis si longtemps. APRÈS Il y a une semaine maintenant que tu es partie et je vais mieux. Hier, le 14 avril j’ai parcouru ce cimetière de Sainte-Marthe où nous allions depuis dix ans. J’ai fait comme si tu étais avec moi; j’ai dit :”on est au petit parc” “Vas-y mon chien” “Fais ton petit caca” “Non, reviens, tu vas te faire mal aux papattes” “Viens prendre le bonbon - assis - bon chien - je t’aime! ». Bien sûr, tu n’étais pas là mais je t’imaginais quinze jours avant, me dépassant toujours , parce que tu es une chienne de tête, une chienne dominante, qui même souffrante, tenait à être devant moi. Mais, à la fin, je voyais bien que tu peinais, que ton souffle devenais plus pénible, je t’appelais “Ma petite locomotive” tant ta respiration devenait rauque et bruyante Nous sommes le 4 juin, soit presque deux mois après ta mort et pour la première fois, je me suis rendu au lac Shanti. J’appréhendais ce moment mais cela c’est plutôt bien passé. Le plus dur à été de trouver une balle de tennis dans un sac... Une de ces balles que j’avais l’habitude de te lancer dans l’eau. Mais surtout, je revoyais ta course vers ce marais, me devançant toujours, pour patauger dans ton élément. Je te revois, encore, immerger ton museau dans l’eau, tandis que tu avances, tel un petit engin amphibie... Puis, t’ébrouer l’instant d’après. Lendemain 5 juin Le Lac Shanti n’a jamais été aussi haut... À plusieurs endroits je n’ai pas pied! J’ai mis aussi une photo de Google Earth en survol qui a été prise à l’automne après un été particulièrement sec ( 2004, je pense). Plus la zone est sombre sur la photo, plus c’est creux! C’est un écosystème unique à Trois-Rivières; il y a des canards, des hérons, des oiseaux, des renards et bien sûr des grenouilles et des crapauds. 14 août 2018 J’ai rêvé à toi ma belle puce, pour la première fois depuis ta mort. Tu étais avec maman et Yannick, j’étais content que tu sois avec elles, tu auras tout l’amour voulu. Je t’ai fait des câlins, j’étais bien! Quel bonheur de t’avoir retrouvé...

Eddy