En mémoire de Minette

Dix mille fois, j’ai franchi le seuil de la porte de ce studio depuis toutes ces années : joyeux, en chantonnant, parfois fatigué ou stressé de ma journée. Je savais toujours à quoi m’attendre. Dix mille fois, tu m’as accueilli par ta sérénade, allégrement bavarde. Un émetteur de love à hautes fréquences. Ce tendre rituel qui rendait ce foyer chaleureux, pas une fois tu ne l’as manqué. Et puis, plus rien. Depuis quelques temps, quand mon fauteuil grince, je t’entends miauler. Quand un oiseau s’envole sur la terrasse, je t’entends rentrer. Je tourne quand même la tête, au cas où… Et ces chaussettes noires par terre, qui forment ta silhouette éphémère du coin de l’œil, restent inertes. Plus personne pour venir me séduire près du frigo, plus aucun terrassement de litière, plus de craquements dans cette maisonnette en bois vide à côté de la fenêtre, telle une ruine d’antan, parsemée de poils sombres qui t’habillaient, lorsque encore tu y régnais. Mais surtout le silence insupportable de tes ronronnements, qui n’en finit pas. Avec toi, s’efface ce langage exotique auquel tu répondais si bien, pilier de notre complicité. Tu resteras la seule à l’avoir connu. Tant de chants et de syllabes improbables, tous tes jolis noms d’amour que tu méritais, toutes ces inventions que je te destinais, retournent à présent dans les coulisses de mon âme de petit garçon. Je t’écris ces mots qui ne te parviendront pas, c’est peut-être une façon de faire mon deuil. Maintenant il me faut avancer, et essayer de combler le vide angoissant que tu laisses derrière toi. Je ne l’imaginais pas aussi vertigineux. J’aurais voulu un dernier regard, une caresse de plus, mais ton petit cœur ne m’en a pas laissé le temps. Heureusement, tu as trouvé des bras réconfortants avant de partir. Ce dernier pas, tu n’étais pas seule pour le franchir. (^._.^)ﾉ Arvi ma minette. Tu me manques terriblement. Seize ans avec toi, c’était une belle histoire.

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